franceinfo – Anne-Laure Barral Radio France – le 20/12/2019
Le tremblement de terre du Teil en Ardèche le 11 novembre dernier a-t-il été provoqué par la carrière qui se trouve sur cette commune ? Alors que la préfecture de l’Ardèche vient d’autoriser la reprise de son activité, un rapport scientifique publié hier montre qu’elle a joué un rôle dans le déclenchement de ce séisme…
Les experts du CNRS, de Géoazur, de l’IRD, de l’université de Montpellier voulaient savoir si la carrière du groupe Lafarge au Teil avait pu déclencher ou aggraver le tremblement de terre du 11 novembre. Un séisme inhabituel d’une forte magnitude 5, proche de la surface et avec peu de répliques. Leur rapport dit en substance que ce séisme se serait produit un jour ou l’autre, sans doute dans 10 000 ou 100 000 ans parce qu’il y a bien une faille à proximité, celle de Rouvière, mais il précise aussi que la carrière a sans doute déclenché le moment où il s’est produit.
La carrière a changé la pression sur la faille
Le rapport met de côté les tirs de dynamite dans cette carrière, qui ont lieu tous les mercredis, mais les experts ont modélisé les tonnes de roches enlevées depuis des décennies dans la carrière du Teil. Et ils estiment que cela a allégé la pression qui pesait sur la faille et que cela a participé à la « réveiller » plus vite que prévu.
Et ce n’est pas une petite pression qui a été enlevée : cette carrière a excavé plus d’une centaine de millions de tonnes de roches, depuis le siècle dernier, ces cailloux ont servi notamment à la construction du canal de Suez, et elle a repris du service depuis une dizaine d’années. Les chercheurs aimeraient aussi connaître plus précisement le lieu de l’épicentre c’est-à-dire là où l’énergie du séisme a jailli à la surface, pour pouvoir se mettre d’accord sur une autre question : un autre séisme peut-il se reproduire le long de cette faille si la carrière continue d’enlever de la roche ? Là, ils n’ont pas les mêmes positions et souhaitent poursuivre les recherches.
La sismicité induite se développe
La semaine dernière, l’American géophysical Union a organisé une réunion autour de la sismicité induite, c’est-à-dire celle provoquée ou augmentée par les activités humaines. Une quinzaine de tremblements de terre provoqués par des mines ou des carrières ont déjà été recencés dans le monde, notamment en Californie. La pratique de la fracturation hydraulique pour les gaz de schiste est aussi en cause dans des séismes. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui l’a stoppée en Grande-Bretagne. Enfin en France, plusieurs cas sont liés à des forages de géothermie profonde, notamment en Alsace. Les chercheurs estiment qu’il faudrait répertorier l’ensemble des activités de carrières ou de forages proches des failles connues mais peu actives de notre pays. Un travail immense puisqu’ il y en a plusieurs milliers.